Monday, May 10, 2010

Greenberg, de Noah Baumbach

Florence est une toute jeune femme, un peu paumée, qui travaille pour les Greenberg; son job consiste à s'occuper de tout ce dont ils ne veulent pas se charger eux-mêmes; les courses, les allers/retours en voiture sur les longues routes de Los Angeles, sortir le chien Malher,... Lorsque la petite famille part en vacances, elle passe encore de temps en temps, s'occuper du chien et s'assurer que Roger n'a besoin de rien. Roger, quadragénaire sans travail - occupation à plein temps qu'il revendique - sort tout juste d'un hôpital psychiatrique où il soignait sa dépression. Son frère lui a laissé l'appartement pour qu'il ait un lieu où loger, et aussi pour lui offrir de quoi combattre son oisiveté; Roger, depuis un destin avorté dans un groupe de musique, auquel il a mis un terme, est menuisier; il se charge donc de construire une niche pour le chien de la famille. Roger, à Los Angeles, s'attache à Florence; revoit d'anciens amis, ceux qui ont été minés notamment par cette histoire qui a pourtant quinze ans, de groupe de rock détruit; il évite les gens qu'il ne connaît pas, s'essaie malgré tout maladroitement à être sociable, et passe son temps à écrire des lettres de doléances à différentes compagnies telles que celle des taxis pour animaux ou des transports aériens,...




Ce non-pitch sert de base à un scénario pauvre en actions et en rebondissements; l'idée étant de se concentrer sur le personnage même et sur sa vie intérieure. De ce point de vue, le film est réussi: Greenberg s'expose sur tous les plans, traînant son regard de chien battu autant que Malher. Il transpire dès qu'il se retrouve, mal à l'aise en société, tente des approches pataudes auprès de Florence, tout aussi gauche que lui, retrouve ses anciens amis qui se demandent bien ce qu'il fait là. Et peu à peu se dessinent les causes de son mal-être actuel. La musique, qui se trouve être un des éléments récurrents du film, a en effet joué un grand rôle dans la vie de Greenberg; on la trouve par petites touches, dans la bande-son, dans les références des personnages. Florence, elle, chante; cela correspond mal à son image de fille un peu mal à l'aise, aux mouvements toujours engoncés comme si entravés par des vêtements trop petits. L'idée est là, mais ne s'intègre pas parfaitement à l'environnement. Et puis, c'est ce sujet qui est au centre de toutes les discussions lorsque Greenberg revoit ses anciens amis musiciens; il ne regrette pas un geste que tous les autres lui reprochent, comme si tous avaient bâtis leur vie sur ce qu'ils considèrent comme une erreur. Certains ont réussi, d'autres s'en sortent moins bien; leur point commun, Greenberg compris, est ce mal-être adolescent qu'ils reportent sur une autre personne, se dédouanant d'une décision qui aurait pu être prise par chacun.


Greenberg et Florence, malgré leur différence d'âge - pas si choquante que cela,  finalement -, se rapprochent. Esseulés et ne sachant pas quoi faire de leurs corps et de leurs vies, ils se réunissent sans savoir trop pourquoi, ayant pour point commun cette envie de ne rien faire, un certain refus d'une ambition imposée par la société; le chien Malher aussi les rapproche; Greenberg ne sait s'en occuper, et ne voit comme autre solution que d'appeler Florence à la rescousse. Indéniablement voués à se croiser, leur relation possède un caractère fade qui leur sied à tous deux. Leurs disputes sont moins pertinentes, faites de non-dits et de maladresses, agaçantes parfois. Il traîne dans le film une angoisse qu'on peut prêter aux adolescents, mais qui est difficile à supporter chez des êtres adultes.


L'angoisse, c'est sans doute le thème général du film; Greenberg l'affronte, lui fait face, mais y succombe, toujours. Alors, pour la tromper, et l'extérioriser, il écrit des lettres, toujours cordiales, mais acides, à ceux, innommables, qui dirigent d'innombrables compagnies, contre lesquelles il exprime d'innombrables griefs. Comme le dit joliment l'affiche américaine du film (plus poétique que l'affreuse affiche française), Greenberg a trop de choses qui se bousculent dans sa tête. C'est donc un exutoire que de tenir un cahier de doléance; et un nouveau départ qu'il tente, après une dernière confrontation avec ses anciens amis, et en se rapprochant inexorablement de Florence.


Se plaçant entre un excellent Woody Allen, et une mauvaise comédie romantique, Noah Baumbach hésite un peu trop. Pour parler du narcissime et du mal-être d'un juif aux Etats-Unis, j'ai largement préféré A serious man, des frères Coen. Ni le scénario, ni la mise en scène de Noah Baumbach n'ont le cran d'aller au bout de l'absurdité du propos, et ses personnages errants ne creusent pas assez profondément leur malheur. L'idée est cependant là, et le film possède ses quelques instants de comi-tragédie.



Greenberg
de Noah Baumbach
avec Ben Stiller, Greta Gerwig, Rhys Ifans,...
sortie française: 28 avril 2010

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