Monday, June 21, 2010

Air doll, de Hirokazu Kore-Eda

Un homme, la quarantaine, célibataire, vit dans un minuscule appartement de Tokyo avec sa poupée gonflable. Il mène une paisible vie de couple avec elle: elle l'attend sagement chaque soir, il lui sert le café, lui raconte sa journée, prend son bain avec elle, lui fait l'amour et dort près d'elle. Le matin, il lui souhaite une bonne journée et retourne travailler. Un jour, la poupée s'articule. Elle a gagné un cœur, et part à la découverte de la ville et de ses habitants. Le soir, elle retourne auprès de son propriétaire et dissimule son nouveau statut; le jour, elle travaille dans un petit vidéo-club et tombe peu à peu amoureuse de Junichi, son jeune collègue.





Hirokazu Kore-Eda avait réalisé Still walking, et aussi Nobody knows, deux films à la mélancolie poétique. Encore  une fois, son sujet est à la fois étrange et onirique; cette apparent désenchantement sert de parabole à un message humaniste, sur la condition des hommes et sur leur solitude dans les grandes villes. Le film est émaillé de personnages caractéristiques, qui trompent tous leur angoisse de la solitude chacun à leur manière. Cette galerie est parfois pesante, car notre héroïne en plastique ne croise pas  forcément ces personnages dans son apprentissage de l'humain; ils surgissent de nulle part, sans raison; leur existence appuie le propos du réalisateur, mais est maladroitement introduite dans le scénario.


A part cette surenchère d'isolés, l'histoire se tient, et on suit avec plaisir cette gracieuse poupée qui prend vie sans raison. On comprend ce qui l'étonne, ce qui la touche; tout la séduit, et elle collectionne comme une enfant des bouteilles en verre. Sans sexe, ou presque, puisqu'elle n'a pas de sensation ni d'envie, autre que celles dictées par sa curiosité, elle réussit à danser, ses longues jambes libérées par des jupes courtes, à peine érotique, toujours dans la joliesse de ses yeux qui ne clignent jamais. Telle un Pinocchio moderne, elle tente, vainement, de s'intégrer à ce monde trop égoïste pour elle. Son histoire finira dans un souffle, celui de sa vie qui s'échappe, car à avoir trop grand cœur, elle ne réussira pas à comprendre l'individualisme des autres, ni même celui de son amoureux.


Etrange histoire que celle d'une poupée gonflable, qui cherche à faire disparaître ses coutures, se rebelle contre un propriétaire aimant, et vit sa double vie en recherchant son créateur. Il faut toute la poésie de Kore-Eda pour en faire un film aussi naturellement que possible, simple et joli. Pas d'effets spéciaux spectaculaires, de transformations surréelles. Tout est dans la bande-son, qui joue sur les bruits de crissements du plastiques, et sur des plans de coupe savamment ordonnés. La nature de la poupée ressort parfois, dans la surprise d'une coupure qu'elle se fait. L'air qu'elle expulse la fait mourir dans un sifflement; et la beauté du geste de Jinuchi, venu lui insuffler son propre souffle pour lui redonner vie, se termine dans un quasi-orgasme émouvant.


Le réalisateur ne perd jamais son propos, et dresse néanmoins, à travers ce personnage envoûtant, une image un peu sombre de la société moderne. Air doll avait été sélectionné à Cannes en 2009, dans la catégorie Un certain regard.


Air doll
de Hirokazu Kore-Eda
avec Doona Bae, Arata, Jô Odagiri,...
sortie française: 16 juin 2010

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