Sunday, September 5, 2010

Submarino, de Thomas Vinterberg

Nick et son frère sont très jeunes lorsqu'ils prennent la responsabilité du dernier-né de leur alcoolique de mère, volant du lait pour lui dans les supermarchés, le baptisant en cachette,.. Malgré leurs efforts malhabiles, l'enfant meurt. La culpabilité les rongera à jamais. Nick, adulte, vit dans un centre dont les murs sont en papier, et trouve le réconfort de sa vie auprès de ses bouteilles et dans la bouche de sa voisine de palier, nymphomane qui a perdu la garde de son fils; le frère de Nick a trouvé refuge dans l'héroïne et tente tant bien que mal d'élever son fils, Martin, qui l'adore, tout en répondant à ses désirs de camé. Les deux hommes semblent bien ne pas pouvoir échapper à leur destin, enclenché avec la mort de leur petit frère.




Le film est tiré d'un livre du même titre, écrit par le Danois Jonas T. Bengtsson; le langage cru, âpre, de son compatriote a enthousiasmé le réalisateur. C'est le premier film de Thomas Winterberg que je vois; la force de sa réalisation méthodique et sensible me dit que ce ne sera pas le dernier. Je suis en effet passée entre les mailles de la fièvre Festen lorsque le film est sorti en 1998. Submarino se découpe en parties très distinctes, et réussit tout d'abord à planter un décor ultra-réaliste. L'introduction brosse le portrait de deux jeunes garçons, en quelques minutes et deux ou trois scènes seulement, scènes qui s'emmêlent dans un ordre absolument pas chronologique. L'effet donné par ce découpage un peu particulier renforce l'idée du bordel qu'est la vie de ces enfants sans le moindre repère. Leurs jeux innocents contrastent avec la gravité de leurs responsabilités, et l'apparition atroce de leur mère, toujours saoule, qui se fait dessus, ainsi que la réaction blasée des deux frères donne de la force à leur relation unie. La mort du nouveau-né fait basculer leur vie, d'un coup, vers l'âge adulte.


Nick est donc adulte, quasiment sans transition. Il survit, tente de garder la tête hors de l'eau - d'où le titre du film -, tout comme son frère, sans nom, qui traîne sa grande carcasse à l'école, au supermarché, suivant, harassé les heures de la vie de son fils Martin. Ils mènent des vies en parallèle, dans la même ville, aux mêmes moments, arpentent les mêmes rues sans se croiser. Dans la vie de Nick, puis dans celle de son frères, sont égrenés les mêmes moments clés qui permet au spectateur de relier leurs mondes tout en voyant leurs différences. Thomas Vinterberg aurait pu choisir d'entrecroiser, séquence après séquence, les histoires personnelles des deux frères; le sectionnement du film en deux parties distinctes permet de s'attacher mieux à l'un, puis à l'autre, et de repérer les détails qui font la particularité de chacun, tout en les réunissant. La construction du film, très simple donc - les trois dernières années d'un personnage, puis de l'autre, jusqu'au moment présent, agrémenté de ces moments-clés permettant de les situer dans le temps -, est maîtrisée et rend le procédé magistral, faisant oublier son apparente banalité.


Au centre de leurs histoires, à leur début comme à leur aboutissement, se tient un enfant. Celui, mort, comme assassiné dans l'esprit de deux enfants coupables de n'avoir pu porter sur leurs épaules la responsabilité d'un bébé de deux mois, plane sur les têtes blondes des suivants. Nick retrouve dans le regard de Tobias, garçon enlevé par sa mère, la douleur qu'il a déjà vécue. Le frère de Nick, héroïnomane sans nom, anonyme, ne vit que par son statut de père. En aidant ces enfants perdus, chacun essaie désespérément d'expier un crime qui fut inévitable. Le scénario est sombre, dur, toxique; mais les faiblesses, presque justifiées, de Nick et de son frère, mettent l'accent sur l'histoire d'une faille et d'une impossible reconstruction.


Le réalisateur ne fait pas pleurer les âmes sensibles, ne joue pas non plus sur la corde de la provocation ou de la brutalité; il oscille entre ces deux eaux, jouant à la limite d'une catégorie, rebondissant sur l'autre. La tension est juste suffisante pour s'émouvoir sans tomber dans le mélodrame. Jusqu'à la dernière scène où, enfin, on se permet de lâcher une larme, en pensant que tout commence et que remonter la pente ne sera jamais simple.


Submarino n'a pas été distribué dans beaucoup de salles, et sera donc probablement peu vu; il reviendra, pourtant dans mon bilan de l'année comme une des perles de 2010.


Submarino
de Thomas Vinterberg
avec Jakob Cedergren, Peter Plaugborg, Gustav Fisher Kjaerulff,...
sortie: 1er septembre 2010

No comments: