Monday, March 28, 2011

Route Irish, de Ken Loach

Fergus a convaincu son ami d'enfance, son frère de cœur, Frankie, de laisser sa femme Rachel à Liverpool, et de le suivre en Irak, à Bagdad, où ils travaillent pour une compagnie de sécurité privée. Frankie meurt dans une attaque sur la route Irish, la plus dangereuse du monde, qui relie l'aéroport à la "green zone". Fergus se sent coupable, et c'est aussi ce que tout le monde lui reproche sans lui dire en face, à Liverpool. Empli de ressentiment envers lui-même, Fergus a entre les mains un téléphone ramassé par Frankie sur le corps sans vie d'un enfant tué par son équipe, en même temps que toute une famille. Dès lors qu'il voit la vidéo de cet évènement tragique filmé par le téléphone, Fergus ne croit pas à la thèse selon laquelle son meilleur ami se serait simplement trouvé au mauvais endroit, au mauvais moment, sur la route Irish, quelques semaines plus tard.


On sait toujours à peu près où on met les pieds, avec Ken Loach: son cinéma, qualifié de social, pointe du doigt les travers de la société, de son gouvernement corrompu, et des hommes qui s'y plient. La guerre en Irak, dans laquelle s'est engagée la Grande-Bretagne, est peu à peu privatisée; on l'oublie, on la laisse de côté dans les médias, peu à peu, et Ken Loach est là pour nous rappeler que des hommes ont continué d'y mourir bien après que les images de cette guerre soient délaissées par les journaux télévisés, et que d'autres se sont fait de l'argent sur le dos des premiers. Ce cinéma engagé fournit son message discrètement, derrière une histoire d'hommes, d'amitié et de perte.


C'est donc l'histoire de Fergus, rongé de remords et de culpabilité, qui va permettre d'entrer dans la réalité de la guerre en Irak. Fergus, qui a perdu un frère, et qui prend toute la faute sur ses épaules, refuse cette mort, et rejette le crime sur la société qui les avaient engagés, Frankie et lui. Les torts reconnus des dirigeants de cette société de sécurité sont peu à peu dévoilés, reconnus, et le poids des preuves est choquant. Voilà pour le côté politique, passionnant, révoltant, et subtilement capté par un Ken Loach très en forme et très remonté. Frankie, lui, se déshumanise peu à peu, tout entier à la cause de son ami dont les cendres n'en demandent pas tant. Les extrêmes qu'il atteint dans la douleur et la vengeance sont bouleversants; on regrette cependant une certaine convention qui veut qu'il soit aussi amoureux de la femme de son meilleur ami.


Cette fable amoureuse ne m'a peut-être pas parue des plus judicieusement placées, probablement aussi à cause du choix des acteurs. Mark Womack et Andrea Lowe, respectivement Fergus et Rachel, tous deux acteurs de télévision, manquent de cette présence à l'écran qui ferait accepter n'importe quelle étreinte physique. Mark Womack, notamment, possède une énergie à laquelle on ne croit qu'à moitié, et qui a certainement fait perdre une petite dose de qualité à ce film.
 
 
Ken Loach réussit cependant grâce à un scénario intelligent, qui dénonce sans pathos, à réaliser un film à la hauteur, chaque fois renouvelée, de son grand talent.



Route Irish
de Ken Loach
avec Mark Womack, Andrea Lowe, Trevor Williams,...
sortie française: 16 mars 2011

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