Friday, April 29, 2011

J'arrête le cinéma, entretiens avec Hubert Prolongeau

La filmographie de Patrice Leconte s'étale depuis 35 ans et une bonne trentaine de longs-métrages. Dans ceux-là, il y a du bon, et du très mauvais. Des Bronzés à Dogora, Patrice Leconte n'a jamais fait deux films semblables - enfin si, la trilogie des Bronzés, évidemment - et n'a surtout jamais arrêté de tourner, acceptant le pire et le meilleur, se trompant, recommençant. Il a décroché plusieurs césars - meilleur réalisateur en 1988 pour Tandem, en 1990 pour Monsieur Hire, 1991 pour Le mari de la coiffeuse, 1996 pour Ridicule, 2000 pour La fille sur le pont -, a tourné avec Jean Rochefort, Michel Blanc, Charles Berling, Daniel Auteuil, Juliette Binoche, Vanessa Paradis,... Patrice Leconte fait du cinéma français, du cinéma populaire, du cinéma que je ne connais pas forcément sur le bout des doigts, mais son livre d'entretiens avec Hubert Prolongeau m'a passionnée; le réalisateur porte un regard plein d'humour sur sa carrière, et éclaire de son expérience les rouages de l'industrie cinématographique française.

Patrice Leconte raconte sa carrière film après film, depuis Les vécés étaient fermés de l'intérieur jusqu'à Voir la mer, qui sortira le 04 mai 2011. Au cours de cette progression chronologique, Hubert Prolongeau l'aide à raconter son idée du cinéma, en partageant ses anecdotes et ses souvenirs de tournage. On a donc droit à ses confidences sur la manière de travailler de tel ou tel acteur, sur les liens qu'il entretient lui-même avec ses producteurs, toutes ces petites histoires croustillantes qui pourraient faire la une d'un tabloïd spécialisé dans le cinéma plutôt que dans les déboires sentimentaux de vedettes de télé-réalité qui me sont inconnus. Mais ces entretiens sont bien loin de se limiter à ce genre d'historiettes, qui ponctuent simplement le dialogue comme de petites perles plutôt rigolotes et rendent la lecture de ce livre accessible à un public pas forcément 100% cinéphile.


Le réalisateur porte également un regard extrêmement juste et critique sur ses propres films, n'hésitant pas à en qualifier certains de très peu réussis, tout en les revendiquant comme son cinéma à lui. Il justifie cet amoncellement de production - quasiment un film par an! - par sa boulimie de travail, sa nervosité à l'idée de se retrouver les mains et l'esprit inoccupé, et peut-être par un certain côté masochiste aussi. Patrice Leconte ne peut pas s'arrêter de travailler, de s'enthousiasmer, d'écrire, de tourner malgré ses incertitudes, et ses déceptions. Lorsque les chiffres du mercredi tombent, il sabre le champagne ou ferme les paupières, et retourne travailler.


On retrouve d'étranges personnages, dont le plus marquant est Jean Rochefort; après une première collaboration laborieuse, l'acteur ne cesse de revenir devant la caméra de Patrice Leconte, qui entretient une relation étrange avec lui, détestant son sarcasme, écrivant des rôles sur mesure pour lui. On retrouve aussi Joëlle Hache, la monteuse de Patrice Leconte, qu'il évoque avec respect et douceur. Il n'y a rien de plus important pour moi que cette relation assez unique qu'entretient un réalisateur avec son monteur, et Patrice Leconte dévoile un réel attachement à cette femme qui sait traduire ses rushes. Le cinéaste sait s'entourer, et met également en évidence l'importance de toute une équipe technique et artistique à ses côtés pour réaliser un film. Il s'accuse de gâcher parfois ses films, mais remercie avec générosité tous les autres de ses réussites.


Mon seul regret vient du fait que Patrice Leconte n'évoque pas Le Magasin des suicides, film d'animation - en relief, mais d'un beau relief -, adapté d'un romain de Jean Teulé, qu'il réalise actuellement et depuis plus d'une année, et qui sortira seulement au printemps 2012. Pour tout le reste, ce cinéaste incroyablement prolifique donne envie de voir ses films, qu'ils soient réussis ou pas, de regarder ceux des autres, ses sources d'inspiration, et donne une folle envie de faire partie de son équipe, qui l'entoure et l'accompagne fidèlement.



J'arrête le cinéma
entretiens de Patrice Leconte avec Hubert Prolongeau
éd. Calmann-Lévy

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