Friday, May 6, 2011

La solitude des nombres premiers, de Saverio Costanza

Mattia, enfant, avait une sœur jumelle du nom de Michela; c'était son boulet, cette petite retardée accrochée à ses baskets. Plus grand, Mattia n'a plus de sœur, il se retranche dans ses études et se coupe régulièrement les veines, ou n'importe quoi d'autre. Alice, enfant, est sans cesse poussée par son père pour briller partout; sa mère est là mais absente, dépressive. Plus grande, Alice est anorexique, les jolies filles du collège se moquent d'elle. Alice et Mattia finissent par se croiser, et vivent côte à côte comme deux nombres premiers jumeaux, qui font leur chemin ensemble sans jamais vraiment réussir à se rencontrer, meilleurs amis pour la vie mais incapables de vivre à deux.


La solitude des nombres premiers est l'adaptation très fidèle du roman à succès de Paolo Giordano; j'avais lu ce livre, ne l'avais pas aimé; mais je suis toujours curieuse de découvrir des romans passés dans la moulinette de la caméra, et j'ai du mal à résister à un film italien. Saverio Costanza, reprenant quasi mot pour mot la structure parallèle du livre de Paolo Giordano, n'apporte rien de plus au roman en l'adaptant; l'image a même tendance à accentuer ses défauts, apportant de la longueur et des pauses dans un monde déjà dépressif et suicidaire. Vous l'aurez compris, le film n'est pas très joyeux. Il n'y a pas une seule seconde de bonheur, de tranquillité, dans la vie de ses deux être qui n'auraient pas dû naître, et dont on se demande bien ce qu'ils font encore là au fil des années qui s'affichent sur l'écran, alors qu'ils auraient pu disparaître, depuis le temps qu'ils se mutilent.


La monochromie du propos est très légèrement compensée par des idées pas trop mauvaises. Le film s'attachant à plusieurs époques, qui se croisent sans cesse, Saverio Costanza tente de donner à chaque décennie sa couleur et sa musique. Malheureusement, dans les années 80/90, l'image ressemble à celle d'un mauvais téléfilm; et la musique au synthé n'est pas des plus excitantes. Ajoutez à cela des clichés correspondant à chaque époque, des skis Rossignol au papier peint à fleurs, de la boum d'adolescents à la typo en gros caractères colorés. Le réalisateur aurait également pu jouer sur le rythme de chaque époque, histoire d'aller encore plus loin dans son idée première de créer à chaque époque son style. Mais, reprenant la structure du livre, tout en la déconstruisant un peu plus, il se met lui-même des bâtons dans les roues et s'interdit un tel procédé.


Le livre de Paolo Giordano joue effectivement sur le parallèle entre la vie de deux enfants, la vie de deux adolescents et la vie des deux adultes que sont Mattia et Alice. D'un chapitre à l'autre, il décrit un évènement, commençant par les plus traumatisant de l'enfance, et sautant d'un personnage à l'autre de manière systématique. Saverio Costanza préfère évidemment placer les traumas en fin de film, comme pour soudainement justifier la vie tortueuse de ses héros. Il accentue les parallèles, saute d'une scène à l'autre entre Mattia et Alice, et entre les trois époques qu'il dessine pour chacun. Le film ressemble alors à un enchaînement de saynètes au sein desquelles il est difficile de se sortir du rythme lent. Ces séquences sont à la fois trop courtes pour être exploitées au montage - il faut du temps pour se replonger dans chaque historiette - et terriblement longues à cause de ce rythme inchangé. Pour changer de rythme, Saverio Costanza enchaîne parfois un seul plan d'une époque avec un plan d'une autre époque, tout en jouant sur le son, assourdissant; effet plutôt vieillot et complètement raté, qui ne réussit pas à donner une impulsion.


Bon, ça suffit d'être aussi haineuse sur un film. Mais il faut bien avouer que j'ai passé deux heures  laborieuses avec ce film, ce que j'aurais pu prévoir à la lecture du livre. Mince, même l'affiche, je la trouve mauvaise.


La solitude des nombres premiers
de Saverio Costanza
avec Alba Rohrwacher, Luca Marinelli, Isabella Rossellini,...
sortie française: 04 mai 2011

No comments: