Tuesday, May 3, 2011

Tomboy, de Céline Sciamma

Laure déménage souvent avec sa famille, mais cette fois-ci, ses parents ont décidé qu'ils resteraient dans cette banlieue jolie, où les grands immeubles s'entourent de verdure. La mère de Laure est enceinte et Laure et sa petite sœur, Jeanne, vont accueillir, à la fin de l'été, leur petit frère. En attendant, dans la chaleur lourde des vacances, tandis que leur mère se repose, Laure et Jeanne jouent ensemble, et Laure part à la découverte des gamins du quartier. Elle se présente à eux en tant que Michaël, et conserve en tremblant ce secret qui lui permet de jouer au football, de courir et de se battre comme un garçon.



C'est le deuxième film de Céline Sciamma, quatre années après La Naissance des pieuvres, et la réalisatrice explore de nouveau l'univers des jeunes adolescentes qui se découvrent en même temps qu'elles ressentent les premiers désirs amoureux. La Naissance des pieuvres était un film dont la profondeur était éclipsée par une réalisation assez immature; encore une fois, les émois évoqués par Céline Sciamma sont homosexuels, féminins, traités avec simplicité et lenteur. La réalisatrice, malgré la redondance de son sujet, paraît plus mûre, et se concentre sur un unique personnage charismatique, dont la timidité et les secrets silencieux donnent suffisamment de poids à l'image. On s'embourbe cependant un peu trop avec Laure dans les mensonges, et on se prend à attendre la fin de l'été pour que la vérité éclate.


Et paf, j'ai déjà tout dit en un seul paragraphe... Je développe un peu l'idée cependant: Céline Sciamma réussit à montrer un petit garçon manqué pas à l'aise avec son corps, et désolé à l'idée d'être une fille. Loin des clichés, Laure/Michaël se montre sensible, à la fois fière de son déguisement, et terrifiée à l'idée que la vérité soit découverte, à la fin de l'été. Elle ne refuse alors rien, ni d'aller se baigner avec ses nouveaux amis, ni de partager le mensonge avec sa petite sœur, ni d'accepter un amour homosexuel pour paraître encore plus garçon que ses amis. Les éléments qui entourent le mensonge sont mis en place avec une jeune amoureuse pas trop belle, juste étrange; des copains qui gobent joyeusement, crédules, trop heureux d'accueillir le nouveau venu qui grossit une équipe de foot; et une petite Jeanne terriblement féminine, toute en tutu, grands cils, rondeurs et mots enfantins, qui tranche avec la silhouette dégingandée de sa grande sœur.


Cependant, malgré la durée plutôt courte du film, ces éléments qui reviennent inlassablement s'ajouter les uns aux autres font passer l'été trop lentement. Les parents, pas assez présents - le père travaille, la mère doit rester alitée - restent à l'écart alors qu'ils se montrent aussi aimants, présents, que les parents les plus idéalisés. Si les deux petites filles ont des parents aussi parfaits, comment se fait-il que leur prise de conscience soit aussi tardive? Céline Sciamma prend le partie de l'indépendance des deux enfants, mais hésite trop avec les adultes, les intégrant à son scénario sans oser les manipuler.


Tomboy est joliment interprété par de jeunes acteurs pas forcément professionnels, et Céline Sciamma les mène exactement où elle le veut; ces brillantes interprétations ne réussissent cependant pas à effacer toute la lourdeur adulte d'une réalisatrice qui s'obstine un peu trop à s'attarder sur son sujet sans réussir à éclairer le problème de la clarté des explications.



Tomboy
de Céline Sciamma
avec Zoé Héran, Malonn Lévana, Jeanne Disson,...
sortie française: 20 avril 2011

2 comments:

Kay said...

Hmm, en même temps, Céline Sciamma est claire sur ce point : elle ne cherche pas à expliquer - et encore moins à juger à travers un regard adulte -, elle veut nous faire ressentir.
Et ça marche...

Fanny B. said...

Oui, c'est vrai, l'absence d'explications est plutôt poétique, et moins risquée qu'un engagement plus fort et plus clair. Cependant, ça ne fait parfois pas beaucoup avancer le propos du film, qui s'attarde un peu trop dans le mensonge alors que la vérité et ses suites m'auraient tout autant passionnée.