Tuesday, October 16, 2012

Dans la maison, de François Ozon

Professeur au lycée, Germain fait sa rentrée des classes, dépité, de nouveau, par la médiocrité de ses élèves. Cependant, de cette masse inéduquée, inéducable, Claude se détache. Enfant unique au contexte familial sombre, Claude construit un lien avec son professeur de français, en lui offrant une histoire, à chaque rédaction demandée. Sa narration se construit au fur et à mesure qu'il s'incruste chez son camarade Rapha, se liant d'amitié avec lui, se substituant à son rôle de fils auprès de Rapha père, respirant l'odeur d'Esther, la mère de Rapha.

Tu vois le film Inception? Le dernier film de François Ozon, c'est la même chose, version française. Le cinéma français est basé sur le texte plutôt que l'image, on aime le bon mot, la contrepèterie, le verbiage, la littérature, quoi. C'est le gros défaut du cinéma français, de se sentir obligé de parler, tout le temps, quitte à remplir l'image de texte et à l'étouffer. François Ozon détourne ce principe grâce à une écriture intelligente, où le mot est justement un personnage à part entière, qui commande à l'image.


J'ai adoré ce début d'intrigue ultra simpliste: un prof, une rentrée, des élèves, parmi lesquels UN élève, Claude, se distingue. La situation n'est pas compliquée, vue et revue à chaque marronnier de septembre. Les professeurs se plaignent, les étudiants sont déjà fatigués, et pour se motiver à travailler, il y a toujours un bout de ficelle auquel se raccrocher. Ce bout de ficelle, pour Germain, c'est Claude; et le jeune garçon utilise lui aussi son professeur pour pimenter ses études, et son camarade Rapha pour rêver sa vie. Un innocent devoir éveille l’intérêt de Germain et lance l'histoire, qui se construit alors sur les fantasmes de Germain, écrivain manqué, l'imaginaire d'un possible futur auteur, tout en s'ancrant fermement dans la réalité vécue par Claude.


A chaque copie rendue, un nouveau morceau de la vie de Claude est raconté. Décrit-il ce qu'il s'est réellement passé dans la maison de son ami Rapha? Ou envisage-t-il des options possibles tout en étant chez eux comme un simple invité? On commence par lire ses feuillets, mais la voix off s'efface vite pour laisser place à l'action en direct. Ces images peuvent alors être mensongères, juste supposées par Claude; mais le jeune écrivain a besoin de matière pour noircir sa feuille blanche - grand format, grands carreaux, double page perforée. On commence par croire dur comme fer qu'il raconte des évènements réellement vécus, anodins, mais joliment tournés dans son prisme adolescent. Et on passe aux réécritures. La même scène se déroule alors différemment. Les personnages prennent de l'ampleur et se dégonflent juste ensuite. Où est la vérité? Ni l'image, ni les mots de Claude ne sont complètement subjectifs.


La force du film fait un peu son défaut également. Chaque chapitre de l'histoire de Claude engendre des critiques de la part de Germain: le texte est trop mou, pompeux, on perd de vue l'intrigue, le personnage n'a pas assez de force ou manque de motivation. Et, Germain étant un bon professeur, on ne peut lui donner tort: chaque séquence démarre en introduisant un élément neuf, et relance le film; elle se termine aussi sur une petite faiblesse. A trop coller au roman esquissé par Claude, François Ozon donne à son film le même rythme, justement décrit par Germain, une courbe irrégulière, souvent jouissive, parfois décevante.


Dans la maison
de François Ozon
avec: Fabrice Luchini, Ernst Umhauer, Kristin Scott Thomas,...
sortie française: 10 octobre 2012

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