Monday, September 28, 2015

Les deux amis, de Louis Garrel

Clément est amoureux de Mona, croisée à une sandwicherie gare du Nord ; après quelques cafés ensemble, desquels elle s'échappe toujours à un horaire précis, angoissée de rater son train, Mona refuse de le revoir. Clément appelle son meilleur ami Abel à la rescousse. Abel lui conseille de retenir Mona. Le quasi kidnapping empêche Mona de prendre son train, la désespère, et puis, perdue pour perdue, elle accepte de passer la soirée avec les deux amis.


Les deux amis, rien que sur l'affiche, sont séparés par une femme. Nul doute, elle va les éloigner dans le film et dans la vie, et les fera réaliser que l'amitié évolue, change, passe et s'efface. Il est peut-être plus facile de quitter un amour que de tirer un trait sur une amitié. La promesse du scénario est cynique et sombre ; on attendrait Louis Garrel sur un terrain plus léger, comme celui de Christophe Honoré qui co-écrit le scénario. Enfin, "on", je parle pour moi, qui suis de la même génération que Louis Garrel. Génération de trentenaires toujours ados, qui rêve "d'autre chose" sans bien mettre le doigt dessus, de vivre dans l'instant. Louis Garrel répond à ces clichés : propulsé dans le cinéma via son père et sa compagne, de loin, il semble déambuler sans difficulté, librement. Il agace et séduit, mais si tout lui semble facile, c'est peut-être qu'on le jalouse.


Car il est tout de même diplômé du Conservatoire, a testé ses talents de réalisateur sur deux courts et un moyen-métrage avant de se lancer dans le long, il bosse, quoi, et il montre son regard de cinéaste dans Les deux amis. Le cadre est juste, ce regard, bienveillant, exactement comme les amis qu'il filme. Il joue de la focale, des flous tendres et des ombres pour regarder au plus près les visages dans un triangle amical qui se fond dans l'amour. C'est sa naïveté que je lui reprocherais, encore une fois, comme dans Petit tailleur. Confondre la vie et le travail, vouloir montrer ce qui lui est proche, avec ces proches, l'empêche d'avoir du recul.


L'amitié des deux amis est brouillée par un troisième personnage, et par l'amour, qui s'intercale entre eux. D'ailleurs, l'amour, c'est là que les choses se compliquent pour le réalisateur. La chose n'est pas bien définie, est-ce un sentiment, une passion appelant l'action ? Est-ce un rideau opaque, une lumière pour s'en sortir ? Est-ce un passé douloureux, commun aux deux amis, un trop-plein pour l'un, une absence pour l'autre ? L'amour prend beaucoup de place dans cette histoire d'amitié, tout comme le personnage de Mona encombre l'écran, pour ne plus laisser la place à Clément et à Abel, qui ne tuent pas franchement leur histoire d'amitié. 


Du triangle amoureux, il y a un personnage qui se détache et cache le duel amical. Louis Garrel aurait besoin, comme son personnage, de donner son film à un parfait inconnu, pour pouvoir s'en détacher et l'analyser d'un peu plus loin... au lieu de rester entre amis ?


Les deux amis
de Louis Garrel
avec : Golshifteh Farahani, Vincent Macaigne, Louis Garrel,...
sortie le : 23 septembre 2015

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